En faisant un retour dans le temps, il est facile de constater que la violence est partie intégrante de l’histoire des hommes, que ce soit pour dominer, se défendre, ou tout simplement pour survivre, les hommes ont toujours employé la violence. Doit-on pour cela, considérer cet état de fait, comme un sentiment ? Doit-on approuver, s’indigner ou simplement hausser les épaules ?
Sans être particulièrement observateur, il est facile de se rendre compte de la réaction des gens devant les divers actes de violence qui se produisent chaque jour ou qui se sont produits avant nous.
Chaque individu, selon son caractère, les influences qu’il a subies ou ses convictions, réagit d’une manière différente.
Mais malheureusement la sincérité n’est pas toujours l’apanage de toutes ces différentes réactions.
Dans un milieu qui nous touche de plus près, c’est à dire, le milieu libertaire, il est de plus en plus de bon ton, de se montrer non-violent.
A priori, il est normal que l’idée de non-violence nous séduise davantage que la violence, car la violence amène toujours la souffrance pour celui ou ceux qui en sont les victimes.
La violence a toujours permis à un petit nombre d’individus d’imposer leur force et leur domination, et par conséquent, l’esclavage et l’injustice à un plus grand nombre.
Ceci nous amène, je pense, à détester la violence. Ne serait-ce que sentimentalement.
Malgré tout, il serait souhaitable, avant de se déclarer profondément non-violent, de voir si la violence se justifie, ou tout au moins s’explique, dans certains cas particuliers. Peut-on condamner les actions plus ou moins violentes commises par des individus qui, de cette façon, voulaient se libérer du joug qui les opprimait ?
Somme tout, ils ne faisaient que se défendre contre l’injustice et la cruauté de la société.
Il serait injustice, à mon avis, de critiquer systématiquement nos camarades, qui, avant la première dernière guerre, se révoltèrent violemment parce que les institutions établies les rabaissaient au rang d’instruments, alors qu’ils ressentaient le désir d’être des « hommes », ce qui permet à quelques-uns seulement de jouir de toutes les richesses existantes et de tous les privilèges.
Le fait qu’ils ont déconsidéré la cause de l’anarchisme aux yeux de l’opinion publique et, par voie de conséquence, retardé notre acheminement vers une société meilleure, n’est pas à retenir.
Car si nous étudions la progression et l’évolution des mouvements essentiellement pacifistes et non violents dans l’opinion publique, nous sommes obligés de convenir qu’ils n’avancent pas à pas de géants.
En ce qui me concerne, l’idée de non-violence m’attire particulièrement. Mais je ne peux ni ne veux me targuer de non-violent, car dans certaines circonstances, je sais pertinemment que mes réactions contrediraient mes affirmations.
Tous ceux qui pensent pouvoir s’affirmer, dans un sens ou un autre, doivent pouvoir le faire consciemment après y avoir réfléchi plutôt deux fois qu’une. De toute manière, ils devraient être guidés par leurs sentiments profonds, sans tenir compte de l’étiquette qui se porte le plus en ce moment dans le milieu où ils évoluent, ni d’une attitude plus romantique ou plus courageuse.
La violence est bien agrippée sur notre planète. Elle y restera sûrement très longtemps. Je suis d’accord pour aider tous ceux qui veulent qu’elle y reste le moins longtemps possible ; quitte pour cela à participer à une ou plusieurs actions très violentes, si je suis persuadé qu’après la violence sera bannie à jamais
Richard dans le bulletin de liaison n° 33-34 des Jeunes Libertaires (1959)