Silence

Je me souviens, la main au cœur,
L’enfant monte sur l’échafaud
Il n’a ni haine ni rancœur
Pour la figure du bourreau
C’est le triomphe de la raison
Sur les rêves d’utopie
Pour la gloire de la prison
Contre le souffle de la vie
Pas de cri à étouffer
Exécution magistrale
Un peu de sang éclaboussé

Écarlate sur l’idéal
Un rire dans le silence
Se moque du sacrifice
On l’appellera insolence
Il condamne la Justice

Et sur les planches mortifères
Aux milliers d’âmes consumées
Dans les flammes de l’enfer
Un livre nourrit le bûcher.
La poésie devient poussière
Quand la vie passe à la mort
Les cendres s’élèvent dans les airs
Et retombent sur les corps
La nécropole torturée
Se crève les yeux à l’anathème
Et accepte de regarder
Pour ne voir que les matins blêmes
Quand sous le soleil anémique
La lumière filtrée au brouillard
Donne aux souffrances anaphoriques
La couleur du désespoir.

Un éclat vif dans la mémoire
Appelle à d’autres souvenirs
Et repique des étoiles noires
Entre les larmes et les rires
Un sentiment de liberté
Dans les villes de l’éther
Sur les pavés défoncés
Quand après eux la voix se perd
Dans l’azur d’un océan
Peuplé de nuages d’écumes
Où des oiseaux ignorants
Ont oublié avoir des plumes
Et se traînent sur la terre
Maudits par des dieux vénérés
Qui interdisent la colère
Dans la gueule de leurs sujets.

Le tonnerre roule sur les têtes
La faux en travers de la gorge
Il n’y a ni dieu ni prophète
Dans les abîmes des forges
Qui recrachent, damasquinés,
Dans les airs irrespirables
Des pétales aux lames d’acier
A la recherche des coupables
Le puissant maître déchu
A la mort assermenté
Dans les abysses perdues
Des âmes noires révoltées
La hache tremble entre ses mains
Face à deux gardiens zélés
Qui protègent l’assassin
De la rage du meurtrier.


Et le sépulcre couronné
Valse sur le requiem
Que joue un orchestre muet
Sur les cordes du blasphème
Un brusque coup de poignard
Achève l’esprit mutilé
Assoiffé de cauchemars
Et de crimes déifiés
L’ombre s’abat sur la scène
Et cache le geste furtif
Qui sans un bruit assène
Le coup de grâce au captif.
Et s’élève dans les ténèbres
La douce voix de l’insouciance
Sur une marche funèbre
A la gloire du silence.