L’esclavage sous mes fenêtres

Notre époque « moderne » a toujours ses esclaves. Le vieux monde européen n’en a pas fini de contraindre les individus par la menace et la violence à être exploités et asservis. A Toulouse, les prostitués aux mains des réseaux de proxénétisme se rencontrent au bord du canal, aux alentours de la gare ou avenue des États-Unis, chassées de plus en plus en périphérie par le harcèlement policier dans la clandestinité et l’invisibilité, là où cette situation immonde peut se poursuivre en toute impunité.

Selon Amnesty International : « Les femmes sont les premières victimes de la traite des êtres humains, notamment pour l’exploitation sexuelle. Les pays d’Asie du Sud et du Sud-Est ainsi que les pays d’Europe centrale et de l’Ex-URSS sont les principaux pourvoyeurs de ces esclaves des temps modernes. Elles sont le plus souvent enlevées, quand elles ne sont pas vendues par leur propre famille. ». Le « recrutement » se fait aussi dans les milieux populaires occidentaux comme en région parisienne où France Info nous a fait suivre ces affaires de jeunes filles encore au lycée se faisant embrigader sur les réseaux sociaux avant d’être contraintes par la menace et la violence à se prostituer.

Les macros sur place font régner la terreur et récoltent l’argent gagné par autrui. Une fois prises dans les filets de ces organisations criminelles, les victimes n’ont pas d’autre choix que de se prostituer pour survivre, la drogue aidant à les soumettre et à leur faire supporter leur triste sort. Les fuites et les résistances sont punies de coups. Les milieux du proxénétisme et les milieux de la drogue sont « subtilement » entremêlés. On pense par exemple à la mafia albanaise, issue du pays le plus pauvre de l’Europe, une des plaque tournante de la drogue. La Dépêche en 2017 écrivait : « Des «filles» qui portent le surnom du «chef» tatoué sur l’avant-bras ou la poitrine. Une autre marquée par une brûlure de cigarette après un ouragan de violence parce qu’elle ne «travaillait» pas assez. Ces prostituées habituées du trottoir de Toulouse, au bout de l’avenue des États-Unis, ont vécu l’horreur ces dernières semaines sous la coupe de proxénètes albanais. Dans le monde du proxénétisme, les Albanais traînent la réputation d’individus prêts à tout et particulièrement violents. Les suspects arrêtés la semaine dernière par les enquêteurs de la police judiciaire (SRPJ Toulouse) semblent avoir été fidèles à cette triste image. » .

S’attaquer (matériellement) en tant que militant à une telle situation c’est s’exposer au pire. Loin de vouloir faire une pathologie ou du misérabilisme sur la prostitution c’est avec impuissance souvent qu’on entrevoit ces situations. Le manque de moyens dans la lutte contre ces réseaux démontre l’absence d’intérêt de l’État vis-à-vis de ces situations inacceptables. Qui se préoccupe dans les hautes sphères de la situation de femmes, pauvres et souvent sans papiers ? De plus ces mêmes hommes des classes dominantes qui gèrent les grandes institutions peuvent être des consommateurs de malheur. Dominique Strauss-Kahn n’est pas un ovni. Un voyage en Thaïlande permet vite d’observer à la loupe comment les « riches » du monde entier s’en donnent à cœur joie pour assouvir leurs fantasmes dégueulasses à n’importe quel prix.

On remerciera le gouvernement Hollande pour ses merveilleuses lois (de 2016) qui pénalisent prostitués et clients, ainsi que les mairies de nos grandes métropoles qui font la guerre aux prostitués les plus précaires en les chassant des centres-villes et en les laissant à la merci du pire. Médecin du Monde constate depuis 2016, une diminution du revenu des prostitués et une précarisation accrue.

Asservies par les organisations criminelles, harcelées par l’État, ignorées par tous, la libération, l’émancipation des prostitués non-libre est une cause urgente. L’auto-organisation et l’auto-défense des prostitués en syndicats et leur défense mutuelle existent et ont pu exister. Aujourd’hui le STRASS, syndicat des travailleurs du sexe créé en 2009  « a été conçu comme un outil au service de l’auto-organisation des travailleurs du sexe. » La généralisation de ces solutions pourrait être une solution pour combattre le statut d’esclaves d’une partie des prostitués, encore faudrait-il venir à bout du proxénétisme.

Cet article n’a pas vocation à condamner l’acte de prostitution – bien qu’on puisse regretter la monétisation des actes sexuels qui aurait vocation à disparaître dans une société juste et libertaire – mais bien la condamnation univoque de l’esclavage sexuel.