Nous assistons actuellement à un réveil estudiantin. Le motif de ce mouvement serait les multi réformes prévues pour l’université (cf rapport Attali, 3-5-8, etc.). Ces réformes ont effectivement un objectif révoltant, mais réfléchissons à la forme et au fond de cette lutte, pourquoi prend-elle autant d’envergure, justement maintenant ?
Parlons tout d’abord de lutte de syndicats étudiants qui jouent dans la tentative de persuasion de la « masse ignorante ». C’est selon eux une lutte très organisée et je répondrais : en effet.
Nous observons des syndicats, main dans la main, arpentant les chemins de la lutte sociale (mais pas libertaire !). Ils se sont offert dans une Assemblée Générale (1) le pouvoir de nous « informer » :
· la tribune : choisie à l’avance et acceptée (bien entendu).
· l’ordre du jour : préparé bien sûr à l’avance, sachant que pour le remettre en question, il n’y aurait que ces possibilités : faire partie de l’intersyndicale (qui est le haut pouvoir décisionnel estudiantin : à faire sauter ! U) ou avoir une spontanéité et une vivacité d’esprit capable d’analyser une situation en 30 secondes, car l’ordre du jour est lu et voté aussi sec !
· Le contenu informatif : digne d’un Paris Match, nous avons eu droit à une analyse interprétatrice du problème par nos chères têtes syndicales ! Une heure de discours solennel, dont je me permettrais de remettre en cause l’objectivité, sans parler des erreurs politiques… Nous remarquerons surtout leur désespoir de ne pas arriver à mobiliser quelque troupe que ce soit… Pour ce faire, ils vont jusqu’à miser sur la peur des étudiants (vieille tactique politique) : « vous allez voir, avec ces réformes, vous ne pourrez plus jamais étudier !!! »…
· Le débat qui suit l’intervention de la « chaire » : il fut des plus brefs ! Nous noterons une demande officielle de la tribune de « faire court » pour le débat (alors que nous venons de subir une heure de « cours » par trois intervenants, syndiqués bien entendu…).
De tous les débatteurs, il n’y a eu que trois courtes interventions de personnes extérieures au milieu syndicaliste universitaire. De plus, les trois interventions ont été contredites par la tribune (tribune : 4 pingouins qui tiennent indéfiniment le micro pendant l’AG) ! Ce système est criant de démocratie !
Pourquoi y’a-t-il autant de bruit, de « contestation » justement à ce moment-là ? Cette lutte devient apparemment le cheval d’assaut des syndicats de « gauche ». C’est l’occasion rêvée pour certains partis politiques de se refaire une petite santé…
Les réformes ? Un prétexte ! De plus, ce sont eux qui ont écrit ces mêmes réformes !
Il serait alors temps de définir une bonne fois pour toutes ce que peut-être une véritable Assemblée Générale :
· C’est avant tout une assemblée décisionnelle, c’est-à-dire que nous devons mettre en place un débat qui nous amène à des prises de décision communes. N’importe quelle action doit avoir été débattue et acceptée.
· Il ne doit pas exister de tribune possédant des pouvoirs oratoires, décisionnels ou de remballage de gueule comme savent le faire nos chers étudiants. Par contre, la présence d’un président est nécessaire pour faire passer les tours de paroles (et rien que les tours de parole), puis celle d’un secrétaire qui détient la tâche fastidieuse, mais indispensable de tout écrire (même les débats).
· La démocratie ne fonctionnant qu’à travers le débat, tout le monde doit alors participer à celui-ci. Le blocage de la parole équivaudrait alors à la disparition de la démocratie.
Outrepassons maintenant les problèmes de fonctionnement, et parlons plus du contenu de la lutte de ces syndicats étudiants. J’ai remarqué que nous avions juste un point d’accord : la situation est critique, mais pas pour les mêmes raisons. L’analyse et les perspectives de ces jeunes ne dépassent pas l’enceinte de l’université, jusqu’au point de ne pas étendre aux problèmes de l’éducation.
Ne comprennent-ils pas que les réformes qui touchent un système — ici le système éducatif par exemple — sont typiques d’une logique gouvernementale ? Le fait que les centres éducatifs (peu importe lesquels) ciblent certaines connaissances et savoir-faire sous prétexte de leur rentabilité vis-à-vis du domaine économique (car elles ont une valeur marchande) est typique d’une société capitaliste. Les réformes éducatives ne sont qu’un exemple, le problème se pose dans tous les systèmes existants, alors arrêtez d’être nombrilistes ! Une véritable lutte se fait en solidarité avec tous les opprimés ! Se focaliser sur une lutte est une marque d’égocentrisme ; que pouvons-nous faire avec des égoïstes ? Rien !
Rien n’a été fait contre les lois sur l’incivilité d’outrage à enseignant (je rappelle qu’elles sont passibles de 6 mois fermes et de 7500e d’amende et qu’elle concerne les jeunes voire même très jeunes [2]). Le soir même de cette AG, il y avait une manif de soutien aux squatters et mendiants, les premières victimes du capitalisme et surtout de ces fameuses lois. Ces étudiants qui veulent tant lutter n’étaient pas là… Pourtant, l’analyse politique veut que la lutte soit présente à chaque instant. L’injustice est la même autant pour les étudiants qui deviendront de plus en plus des pions du pouvoir et du Capital que pour l’homme qui dort dans la rue, ou le gavroche qui utilise mille astuces pour tenter de s’en sortir.
Tout soi-disant « militant » qui n’aura pas compris cela luttera contre la révolution.
Car la révolution, c’est avant tout la solidarité.
NOTES :
(1) : Cet article touche la 1re AG au Mirail. Cependant, celles qui ont suivi ont été pratiquement identiques.
(2) : Article 45 loi Perben, 9 septembre 2002.
Paru dans le numéro 28 du journal des JL « Il était une fois la révolution, con ! »